Lectures philosophantes

Lectures philosophantes

jeudi 10 février 2011

Synopsis du cours du 10/02/2011 - digression 1: Artaud, folie et aliénation



L'oeuvre d'Artaud est un défi pour le lecteur car sa folie est un masque qui nous empêche de le lire cette oeuvre pour ce qu'elle est vraiment. Ouvrant un écrit d'Artaud, c'est face à l'énigme d'une "aventure", expression employée par J. Derrida pour dire l'entremêlement de la vie et de l'oeuvre de l'auteur dans quelque chose qui relève d'une épreuve au limite du vivable, au limite du dicible.
Ce faisant, connaître la biographie de l'auteur a son importance pour le lire, mais il faut sans cesse veiller à ce que cette vie ne nous empêche pas de voir ce qu'Artaud en a fait par ses écrits. Ici, le rapport de la vie et de l'oeuvre connaît une complexité nouvelle, car il est impossible de les séparer, mais ni la maladie de l'auteur ne doit en empêcher la lecture, ni la lecture ne doit en oublier la maladie, de telle sorte que pour le lecteur aussi cette oeuvre presque fuyante est une expérience à part entière.

Antonin Artaud
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On gardera à l'esprit l'essentiel: Antonin Artaud est un fou et un aliéné. Fou au sens où il est naïf de feindre d'ignorer qu'il ne fut pas, tout sa vie, souffrant; aliéné au sens où, sans cesse souffrant, il forgea à travers son oeuvre un point de vue inégalé sur les conditions de possibilité de ce que nous nommons la santé mentale, l'oeuvre littéraire, la normalité...etc.
La psychiatrie ne nous est malheureusement d'aucun secours aujourd'hui pour redonner la place éminente au fou, place qui fut la sienne, celle du visionnaire qui , aux confins de l'a-normalité, nous montre l'arbitraire de la normalité. En ce sens, la folie est la vérité dénudée de l'homme, ce qu'est un homme une fois que lui est retiré tous les artifices d'une culture. N'est pas fou celui que l'on croit; l'homme normal a aussi sa maladie, celle de croire que son monde est le monde, celle de croire qu'il vit dans la vérité alors qu'il n'est qu'un rêve bientôt effacé.

mardi 8 février 2011

Synopsis du cours du 3/2/11 - Prolégomènes à la fabrication d'un CsO

Un pas doit désormais être franchi, un pas qui met sans dessus dessous les intuitions du sens commun, ce pas qui fut jadis désigné comme une "révolution copernicienne". Le temps est révolu où le réel nous était une réalité simple et évidente; voici venu l'âge du transcendantal où, le réel nous est devenu étrange ou étranger, sans cesse occulté par les conditions de possibilités qui nous le font connaître. nous croyons à la vérité de notre monde, mais nous ignorons trop souvent que, sous-jacent à nos représentations si sûres d'elle même, il y a le monde, c'est-à-dire un réel dont l'opulente multiplicité est rétive à nos représentations.

Ainsi de la machine désirante dans l'Anti-Oedipe de Deleuze et Guattari. Elle est machine transcendantale en tant que nous désirons toujours part et à partir d'un code qui en oriente les inclinaisons: "je veux ceci" parce que ceci m'est désigné ou m'apparaît comme objet désiré...etc. Mais sous-jacente à la machine transcendantale, il ya une autre machine qui grouille de possibilités, la machine désirante empirique, en prise avec le réel sans orientation ou finalité particulière: "je délire ceci et cela, et encore..." parce que sans cesse ça travaille, ça se connecte avec l'opulente multiplicité des flux du réel, au point parfois que cette vie machinique m'emporte dans son fluide indifférencié. Alors plus rien ne marche, plus rien ne fonctionne, ou du moins rien d'autre que ce fluide qui me traverse.
C'est alors non plus le procès de production de la machine désirante, mais la station improductive du CsO (Corps sans Organes). Le désir n'est alors plus cette machination constance dans et par le réel qui confine à la réalité, mais vie machinique, immersion dans le fluide de la vie. Sans doute faut-il des yeux de chouete un peu folle pour voir dans cette machine empirico-transcendantale les états de la schizophrénie: entre excitation et apathie, la machine désirante trouve à incarner toutes ses phases, toutes ses strates dans le schizophrène. Quel statut donner alors au CsO? Ou l'enjeu devient de comprendre comment et pourquoi il devient utile, voire nécessaire de se fabriquer un CsO.