Lectures philosophantes

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vendredi 28 janvier 2011

Synopsis du cours du 27/01/11 - digression 2: Les schizos

La figure du schizophrène dans l'Anti-Oedipe de Deleuze et Guattari

La figure du schizophrène comme être désirant par excellence a de quoi étonner le lecteur de l'Anti-Oedipe (AOe). Quel rapport entre des troubles affectifs et l'être désirant? Et pourtant, cette figure joue le rôle d'un personnage conceptuel aussi éminent que le nomade dans Mille Plateaux (1981). Le schizophrène est par ailleurs une figure transversale, ni tout à fait à Deleuze, ni tout à fait à Guattari, ni tout à fait aux deux: ainsi Deleuze travaille cette figure dès Logique du sens (1969) avec A. Artaud tandis que Guattari rencontre des schizophrènes à la clinique de La Borde. Les schizos resteront, avec le CsO (Corps sans Organes) une figure conceptuelle hétérogène tant dans l'oeuvre de Deleuze (ex. le CsO dans Logique de la perception) que dans celle de Guattari (cf. Cartes schizoanalytiques). Enfin, la figure du schizophrène, dans l'AOe, relève d'une certaine clinique du désir qui s'oppose à celle du névrosé dans la psychanalyse. Le schizo dit combien le désir est délir, c'est-à-dire pure expérience d'un désir comme connexion.
La figure du schizo n'en demeure pas moins choquante tant pour le sens commun qui ne veut y voir qu'une figure pathologique que pour les malades qui n'y voient que la figure souffrante. D'autres candidats aux postes de personnage conceptuel aurait sans doute fait l'affaire, comme par exemple, l'éxubérant, le fantasque, l'excentrique ou le déviant. Mais toutes ses figures ne font que répéter ce que dit déjà le schizo: désirer, c'est délirer, c'est-à-dire produire quelque chose dans un réel non lié par la représentation. Le schizo est la machine désirante mise à nu, l'expérience délié du réel.

1. L'exubérant
L'exubérant est celui qui affirme que sa vision poétique du monde fait apparaître, sous la réalité prosaïque du monde, l'énergie qui sourd dans le réel. Ainsi de William Blake dans le Mariage du Ciel et de l'Enfer qui, à force d'oppositions, fait émerger la figure véritable du monde comme Mal ou comme équilibre précaire voué au Mal.

William Blake, Le dragon rouge et la femme aux habits de soleil

Le langage poétique se fait ici schizophrène en tant qu'il dit combien derrière ces représentations que nous prenons pour réalité un réel plu vaste plus riche est la source de l'expérience désirante. Ici, le langage poétique se fait délire, parce que désir, mais il dit la vérité du monde parcequ'il ne se cache plus derrière les représentations prosaïque du monde.


2. Le fantasque
Le fantasque est celui qui introduit dans la réalité une dose suffisante d'imaginaire pour en travestir les codes. Ainsi des zoot suiters qui, en temps de misère, adopte le code vestimentaire de l'aristocratie, pour affirmer la supériorité de la fantaisie sur la réalité ordinaire: ce n'est pas parceque l'on est black et pauvre que l'on ne peut pas être élégant. Le zoo suiter est en cela schizophrène qu'il introduit dasn une réalité vestimantaire et donc sociale une subversion qui en déplace les codes et les usages.



Ainsi de Cab calloway qui avec son argot grossier, ses onomatopées chantées redonne du sel à un jazz noir-américain qui avait perdu quelque peu de sa vigueur revendicative.


Ainsi, des zazous qui, après guerre, (le clip ci-dessus est une reprise d'un classique du jazz des années 40), revendique par leur attitude une opposition élégante au pétainisme ambiant.

3. L'excentrique
L'excentrique est celui qui décentre les stéréotypes, les déplace pour les dissoudre. L'excentrique est en cela schizophrène entant qu'il déplace des codifications de genres sexuelles qui organise la réalité sociale. Ainsi de la figure de la "bitch" ou garce à la langue bien pendue comme Boy George. Reprenant à son compte le stéréotype de l'homosexuel efféminé, la bitch l'accentue, l'exagère en se travestissant à outrance de telle sorte que le stéréotype ne désigne plus rien.



Avatar plus récent de l'excentrique, la freak bitch avec Lady Gaga qui, non seulement travestit les codes sexuelles d'une société encore bien-pensante mais travestit aussi les codes esthétiques de l'entertainement musical, c'est-à-dire du show-bizz, du vidéo-clip, de la culture club...etc.





4. Le déviant
Le déviant est celui qui peu à peu se détache des rôles et des fonctions que lui assigne un code sociale particulier. Il dévie d'une réalité sociale pour mieux naître à soi dans un réel qu'il est désormais le seul à habiter. Le déviant est en cela schizophrène en tant qu'il met à jour l'existence d'un réel sous-jacent à ce que nous croyons être la seule réalité: sous les représentations qui font le réalité de notre monde, il y a un autre monde, un réel plus vaste que les représentations qui cherchent à le contenir.



Ainsi de Messerschmidt qui fait de l'autoportrait grimaçant une thérapeutique singulière: se pinçant à chaque fois qu'il est la proie d'une crise schizophrénique, Messerschmidt se sculpte luttant avec son mal. Il immortalise par là, à travers une oeuvre des plus singulières sans autre fonction que cette thérapeutique à usage unique, l'expérience pure d'un désir délié, fou par défaut.

jeudi 27 janvier 2011

Varia - Lady Gaga

Variations sur la figure du schizophrène dans l'Anti-Oedipe de Deleuze et Guattari
La "freak bitch"
ou lorsque la figure de la garce travestit tous les codes, y compris ceux de l'esthétique de l'entertainment.




Découvrez la playlist Varia_Lady Gaga, Bad Romance avec Piano Gaga

mardi 18 janvier 2011

Absence

Pour des raisons indépendantes de ma volonté, je ne pourrais pas assurer le cours du jeudi 20 janvier 2011. Je prie les auditeurs de m'en excuser. Le cours sera rattrapé ultérieurement.

dimanche 9 janvier 2011

Synopsis du cours du 6/01/11 - Le désir comme production

(Notes à compléter)
La machine désirante fonctionne suivant trois modes: connexion-disjonction-conjonction; prélèvement-détachement-reste; Libido-Numen-Voluptas. Ces 3 modes de fonctionnement n'ont de cesse de faire du désir quelque chose qui machine du réel. Aussi, le désir est-il ce qui produit du réel, le désir est machine en tant qu'il ne cesse de faire le réel comme résultat de cette machination. Il n'y a pas d'autre réalité que celle produite par le désir, il n'y a de désir qu'en réalité.

On ne cessera pas de s'étonner que le schizophrène soit pour Deleuze et Guattari le le modèle-type de cette expérience désirante (par exemple cf. I,1) et qu'il préfigure un meilleur modèle que le névrosé. Il faut cependant comprendre que là où le névrosé désigne le conflit entre le désir et la réalité, le schizophrène affirme que le désir est immanent au réel. Il témoigne dès lors non d'un conflit entre désir et réalité, mais d'un hiatus entre la réalité de l'expérience désirante et sa représentation. Ainsi du Lenz de Büchner dont la souffrance est moins d'être connecté à toutes les forces de la nature que de devoir faire rentrer cette expérience dans le cadre culturel posé par le pasteur Oberlin (exercices de classification...). Le schizophrène est en-deça de toute représentation qui organise la nature (nature/culture, nature/industrie...) et la soumet à une représentation. Il incarne l'expérience pure du réel tout entier sans le filtre des catégories qui l'organise en réalité particulière. Le schizophrène est celui qui désire-délire du réel.

Ce faisant, la figure du schizophrène désigne l'expérience authentique du désir comme délire, c'est-à-dire comme machine désirante faite de flux et de coupure. Le schizophrène est le modèle-type de la machine désirante en tant qu'il produit directement du réel, qu'il délire directement dans le réel sans passer par les finalités du désir définies par telle ou telle machine sociale.
Reste cependant à interroger la pertinence de ce choix. On connaît la critique ("vous n'avez jamais vu un schizophrène"), Deleuze et Guattari la mettant eux-mêmes en scène (cf. AOe p. 456). Mais alors, que faire du schizophrène de Deleuze et Guattari?