Lectures philosophantes

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lundi 22 février 2010

Textes pour le cours du 25/02/10 - L'émulation

Le cours prenant la forme d'un atelier de lecture du livre III de l'Ethique de Spinoza, il est demandé aux auditeurs et auditrices de prendre connaissance au préalable des textes suivants et de proposer une lecture de ces textes. Toute intervention est la bienvenue. On procèdera à une analyse plus précise du texte après discussion.

La séance portera sur l'émulation (définition 33 dans la Définition des affects, dernière partie de l'Ethique III)

On peut se rapporter, comme l'indique Spinoza, à la proposition 27 et son scolie ainsi qu'à la proposition 32 et son scolie.

On peut par ailleurs comparer la définition de l'émulation avec celle de l'admiration (défintion 4 dans la Définition des affects, dernière partie de l'Ethique III)

Synopsis du cours du 21/01/10 - Buster Keaton ou la puissance de la joie.


(Texte à corriger)

Le désir est, chez Spinoza, ce qui nous dispose au monde, c'est-à-dire être inscrit dans le réel comme une certaine façon d'être, une certaine façon d'être affecté par les choses ou idées de ces choses et une façon déterminée d'agir ou de pâtir du fait de ces affections. Ce faisant, si désirer, c'est être disposer d'une certaine façon à quelque chose, le désir est alors une puissance ambiguë en tant que cette disposition peut être autant l'effet d'une certaine puissance d'agir ou d'une certaine puissance de pâtir. Le désir est une disposition affective, et parfois réflexive, qui fait d'un mode de vie parfois aussi un mode de penser.

Ce faisant, cette capacité à se disposer au désir est ce que Spinoza appelle la joie ou augmentation de la puissance d'agir, la seule faculté d'être disposé au désir est, à l'inverse, la tristesse ou diminution de la puissance d'agir. Parce que la joie est une puissance propre à soi qui traduit notre rapport au monde, elle est un mode d'être, une façon de se rapporter au réel. Elle est un présent immédiat, celui d'une concomitance à soi en tant que sa manière d'être sonne juste avec ce que rend possible le réel. La joie comme la tristesse sont et demeurent une capacité à des degrés effectifs divers de composer plus ou moins adéquatement avec le réel.

Il en va ainsi de Malec l'insaisissable alias Buster Keaton dans la séquence extraite de The Goat (1927) ci-dessous en tant que joie et tristesse sont des affects liées aux différents degrés de notre puissance d'agir. La tristesse ou la joie de Malec se traduisent par sa difficulté ou son agilité à composer avec le réel.
(séquence)

Ce faisant, les hommes sont le plus souvent confrontés, dans leurs désirs, à une situation où ils sont affectés par quelque chose dont ils prennent connaissance a posteriori. Autrement dit, ils sont d'abord affectés par les choses et de ces affections se font un certaine idée. L'imagination, si ce n'est la conscience, prend ainsi acte des choses qui affirment leur existence et par les images ou les idées que l'homme se fait des choses, celui-ci affirment ou nient à son tour la puissance qu'il est. Désirer, c'est être touché par quelque chose ou quelqu'un et comprendre ce qui me touche, ce qui me met en joie ou m'attriste.

Ainsi de Buster Keaton dans la séquence suivante extraite de The Goat où Malec est confronté à sa propre image confondue avec celle de Dan la Gachette, il n'a de cesse de passer par différents états selon qu'il comprend ou ne comprend pas la lien entre image et réalité dans la méprise qui fait le sel de la séquence.
(séquence)

Dès lors, il faut répéter combien chez Spinoza, l'homme est toujours d'abord un être en situation. On est d'abord affecté, on réfléchit ensuite à la façon dont on est affecté et ce n'est qu'au titre d'une certaine façon de vivre que nous anticipons sur ce qui peut nous procurer de la joie ou de la tristesse. Aussi, désirer est-il faire ce que l'on peut avec le réel en tant que nous sommes une puissance d'agir dont les degrés disent notre capacité plus ou moins grande à désirer, c'est-à-dire à composer avec le réel.

dimanche 21 février 2010

Synopsis du cours du 14/01/10 - Spinoza ou la puissance de désirer

Fragonard, Le verrou, 1778

Textes

Contrairement à une idée reçue, la devise de Spinoza, "Caute" (Sois prudent!), n'invite pas à la précaution, voire à la défiance, mais à un certain art de vivre. Car ici la prudence est moins la crainte de ce qui peut arriver que l'attention portée à ce que le réel rend possible. Aussi faut-il se faire stratège afin de révéler la véritable puissance de notre rapport au réel.
Puisqu'il ne saurait être question pour Spinoza de nous laisser croire que notre libre-arbitre a une quelconque emprise sur le réel, il nous invite à une juste connaissance de ce qui gouverne le réel pour prétendre se faire l'interprète de notre nature et de la façon dont elle est elle-même en prise avec le réel. Aussi, puisque le sujet désirant n'est jamais vraiment l'auteur de ses actes, il doit se faire interprète de sa partition, c'est-à-dire aspirer à un certain art de vivre qui lui permette de composer avec le réel.
Ce faisant, en matière de désir, l'enjeu reste et demeure la puissance de désirer, c'est-à-dire la capacité à agir ou pâtir dans notre façon singulière de nous rapporter au réel. Aussi, lorsque Spinoza affirme que le désir est l'essence de l'homme (Ethique III, Définition des affects), c'est en tant que le désir est la manière d'être de l'homme dans son rapport au réel, c'est en tant que l'homme est dans un rapport de composition avec le réel. L'homme est une puissance, c'est-à-dire un certain rapport au réel qui s'exprime en terme de capacité à agir sur le réel ou à pâtir de son influence.

Dès lors, l'homme est toujours en puissance de désirer, c'est-à-dire d'affecter ou d'être affecté dans sa relation au réel. Le désir est l'expression d'une façon d'être qui a toujours un coût, qui nécessité une dépense en tant que dans la relation au réel, le sujet désirant doit composer avec le réel, c'est-à-dire d'être capable d'y produire des effets ou seulement d'en subir les causes qui le déterminent.
La devise spinoziste ("Sois prudent!") peut s'entendre alors comme une invitation à un art de la composition avec le réel. Désirer avec justesse, c'est savoir se jouer des causes pour produire autant que possible les effets qui nous comblent; à défaut, on peut ignorer que nous sommes le jouet d'une causalité qui nous déterminent. Il faut donc à apprendre à être le stratège de sa propre vie.

Ainsi du verrou de Fragonard. On a tôt fait de l'interpréter comme la tentative honteuse d'un séducteur de piétiner l'honneur d'une demoiselle. Mais à mieux lire le tableau, ses plis, son mobilier érotisé et son lit défait, on peut aussi croire que, loin d'être la scène d'une certaine violence du désir, ce tableau est le récit de la façon dont deux êtres composent avec les us et coutumes du désir pour se construire un scène intime où s'exprimera leurs êtres. Le verrou n'est pas ici le symbole de la violence du désir, mais le signe de la construction de son intimité, c'est-à-dire de ce rapport singulier qui se tissent entre les deux protagonistes du tableau.