Lectures philosophantes

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dimanche 3 février 2008

Synopsis du cours du 24/01/08 - Diversion: la gastronomie

Diversion - Opération de l'esprit consistant à détourner l'attention afin de permettre à la pensée de se défier de ses propres opinions et de varier son contenu. Moyen de cultiver son irrésolution, c'est-à-dire l'art de toujours et encore exercer son jugement.

L'appêtit est à la fois un mouvement naturel et des façons culturelles: comme mouvement vital, il est ce qui pousse à s'alimenter, comme lieu d'exercice du jugement, il produit de la culture ou est un produit de la culture.
Ainsi des 4 premiers aphorismes de la Physiologie du goût de Brillat-Savarin:
"I. L'Univers n'est rien que par la vie, et tout ce qui vit se nourrit.
II. Les animaux se repaissent; l'homme mange, seul l'homme d'esprit sait manger.
III. La destinée des nations dépend de la manière dont elles se nourrissent.
IV. Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce qu tu es."
L'appêtit est ici ce mécanisme du désir: élan vital qui connaît différents degrés selon la puissance effective du jugement à donner corps à cet élan. L'acte de manger est alors à la fois une nécessité qui commande l'avenir des hommes et une culture qui détermine ce même avenir. Manger est autant une façon habituelle de s'alimenter que le lieu d'expression de sa singularité.

On appellera sensibilité gastronomique ce jeu du corps et de l'esprit qui se présente comme l'art de régler les estomacs.
L'histoire de la sensibilité n'est pas avare d'exemples sur la façon dont les hommes répondent à la fois à la nécessité de s'alimenter et cultivent cette même nécessité (cf. Revel, Corbin ou Quellier).
Ainsi de l'invention du restaurant comme lieu où on satisfait une nécessité avec esprit. (Cf. Brillat-Savarin, Physiologie du goût, Méditations XXVIII). Le restaurant répond d'abord à un besoin, se restaurer, mais on y prend prétexte pour une fête ou un festin. Mais plus qu'un étalage sans subtilité d'aliments, la gastronomie se veut l'art de cultiver le goût de l'agréable plus que celui de subvenir au nécessaire. Ainsi, aller au restaurant, c'est répondre au besoin de façon agréable et satisfaisante; c'est manger non pas une chose, mais une portion; c'est être à une place, mais pour être servi et pour pouvoir choisir dans un menu.
Ainsi de la gastronomie définit par Brillat-Savarin comme la connaissance raisonnée de tout ce qui a rapport à l'homme en tant qu'il se nourrit. Cette science a pour sujet tout ce qui peut être mangé, pour but, la conservation des individus et pour moyens toute une culture, un commerce, une industrie. Là encore, la culture est portée par une nécessité naturelle qu'elle transporte à sa guise.

L'appêtit est un besoin qu'il faut savoir cultiver, une nécessité qu'il faut savoir rendre superflu et une obligation qu'il ne faut pas négliger.

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