La passion est ce mouvement à travers le corps et l'âme qui fait que le corps touche l'âme et que l'âme est touchée par le corps. Aussi y a-t-il une utilité de la passion en tant qu'elle est le vecteur et le révélateur de la persistance d'un mouvement dans les choses. Ainsi de la peur qui m'indique un danger tout en me soumettant au choix de fuir ou de m'éduquer à la hardiesse.
Ce faisant, dans la Lettre à Chanut de février 1647, Descartes fait de l'amour une passion particulière: il y distingue un amour intellectuel ou raisonnable et un amour sensuel ou amour-passion. La tentation est grande d'y voir une opposition entre raison et passion; et cependant, il s'agit du même mécanisme selon qu'on le comprenne comme la jonction de l'âme et du corps ou comme leur séparation. L'amour intellectuel est ainsi la perception par notre âme d'un bien, présent ou absent, jugé convenable auquel se joint la volonté de s'unir à ce bien. Autrement dit, l'amour intellectuel est une pensée raisonnable en tant qu'elle est de l'ordre de la représentation de ce qui nous convient et de ce qui est possible. L'amour sensuel est a contrario une pensée confuse en tant qu'il est une émotion du corps qui demeure indéterminée: ainsi d'un coeur qui bat la chamade, il est pris d'une agitation du corps sans que l'âme ne soit éclairée sur la nature de ce qui l'agite.
Dès lors, l'amour est autant cette confusion en notre pensée causée par une agitation du corps que cet acte de la volonté capable de commander au corps de s'empresser d'embrasser le (la) bien-aimé(e). Tous les "je t'aime" ne se valent pas tant certains disent simplement "je suis ému(e)" tandis que d'autres disent "je te veux". Et ce faisant, l'amour est, ou une émotion, ou l'affirmation d'une pensée, ou les deux à la fois. Et c'est dans ce constant dialogue du corps et de l'âme que Descartes place toutes les velléités du désir.
Aussi le désir est-il à la fois affectivité et représentation: désirer, c'est être touché par quelque chose ou quelqu'un autant que se projeter vers ce qui est susceptible de nous toucher. Autrement dit encore, désirer, c'est espérer en l'avenir tant cette conjugaison de pensées et d'émotions consiste à prendre du plaisir à s'imaginer son bon plaisir.