Le manque est la passion du désir, c'est-à-dire le désir pris affectivement dans les rets du manque. Manquer n'est pas désirer par soi, mais seulement désirer en tant que le désir est dicté par l'objet de notre désir et non par le sujet désirant lui-même.
Manquer, c'est désirer sans être soi. Aussi, lorsque je dis "tu me manques" à mon (ma) bien-aimée(e), j'affirme combien mon désir est commandé par l'absence de l'objet de mon désir sans être capable de dire ce qu'il en est en sa présence. C'est là "le sentiment de l'écurie" (Musil): on désire ce qui nous manque car on sait à quoi s'attendre sans se risquer à être pris dans l'aventure.
Dès lors, un certain type d'expérience du désir consiste à la fois à manquer de quelque chose ou de quelqu'un et à manquer son désir. Le manque est alors quelque chose du désir mais non le désir lui-même.
Le manque est la passion du désir en tant qu'il est la façon dont le sujet désirant est affecté en lui-même et se laisse porter par les élans qui le guident vers tel ou tel objet désirable; mais une telle expérience n'exprime en rien la puissance propre au sujet désirant lui-même. C'est là distinguer entre une expérience du désir qui ne serait que la réponse aux sollicitations du monde et une expérience du désir qui serait la confrontation du sujet désirant à cette puissance d'être soi.
La figure d'un Eros sentimental est la traduction de cette expérience malaisée du désir en tant qu'elle oscille entre manque et puissance et qu'elle fait du désir une épreuve où s'éprouve la capacité du sujet désirant à la fois à libérer son désir d'une aliénation au monde et à être maître de cette puissance de soi-même.
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