Diversion - Opération de l'esprit consistant à détourner l'attention afin de permettre à la pensée de se défier de ses propres opinions et de varier son contenu. Moyen de cultiver son irrésolution, c'est-à-dire l'art de toujours et encore exercer son jugement.
Le qualificatif de "pornographique" sert aujourd'hui autant à désigner un genre de discours ou de représentation du désir qu'à provoquer l'indignation morale devant toute représentation du désir. Aussi y a-t-il confusion entre le "pornographiqe" ou représentation de choses obscènes et le "porno", mode de production d'images à caractère pornographique, confusion qui aveugle tant elle prétend que toute représentation du désir est par nature pornographique. Dès lors, on peut s'étonner de l'occultation ou de l'étouffement du désir sous la seule catégorie du porno: surexposition du corps comme matériau où se tisse le seul et unique récit sur le désir, réduction du désir à la seule sexualité, typologie des désirs ne dépendant plus que d'un jeu mécanique entre les parties du corps. Qu'est-ce qui se perd alors du désir dans le porno?
Ainsi de la distinction entre érotisme et pornographie: l'érotisme n'est-il que la pornographie des prudes et des esthétisants qui cachent ce que d'autres ont l'outrecuidance de montrer? L'érotisme est un terme élastique qui désigne autant le désir brut que l'excitation intelligente. Il caractérise le sujet désirant en tant qu'il fait du désir sa première préoccupation; la pornographie est un terme à l'étymologie occultée: désigant en premier lieu les représentations de prostituées, il ne sert plus qu'à qualifier toutes peintures de choses obscènes sans que soit éclaircis le critère de l'obscénité. La pornographie caractérise alors le statut de la représentation des objets du désir.
Cherchant à dépasser l'aura érotique de la littérature française, une certaine littérature contemporaine use des codes et des moyens du porno tant pour exhiber l'intime (Angot, Ernaux, Millet, Cusset...etc) que pour abuser de description crues (Reyes, Houellebecq...etc). L'écriture est d'autant plus obscène qu'elle n'est plus que la transpiration de soi dans le roman. La transparence du sujet désirant en fait un objet de foire par l'évidence de sa présence et la crudité des description anatomique frappées du dénuement propre à une écriture qui ne veut plus que décrire la chose. Dans les particules élémentaires de M. Houellebecq (texte 1 - scène de la rencontre entre Bruno et Christiane), l'expression même du désir n'est plus qu'une question de physiologie (les corpuscules de Krause) et le vécu d'un couple, le rapport entre un sexe en érection et une vulve. Rabattu sur la seule vie des organes, le désir n'est plus que du génital en devenir. Dès lors, le corps désirant se voit scindé en autant d'organes du désir, organes hiérarchisés selon leur utilité pornographique. (Texte 2-scène de l'accident au club échangiste) Le corps est alors réduit à n'être qu'un orifice ou un appendice où seule la souffrance rappelle au sujet désirant son unité.
Là où l'érotisme transmet une certaine ardeur dûe à l'incessant travail du désir dans le sujet désirant, la pornographie n'étant qu'un jeu de combinatoires entre des parties, elle est un érotisme vide de toute émotion. La pornographie est un sport mécanique.
Qu'est-ce alors q'un sujet désirant au yeux de la pornographie? (Texte 4 - rêve érotique de Michel) Le style pornographique se caractérise par la fixation de l'écriture sur le génital comme seule source du plaisir. Ainsi du corps lascif de ce fantasme dansant au milieu d'une rame de métro comme dans un bar de go-go danseuse. Seins, doigt, vulve, le corps désiré n'est qu'un ensemble disparate de parties où n'est relevé que le plus utile à la mécanique du plaisir. Dès lors, le sujet désirant est éclaté en autant de parties plus ou moins désirables selon le hasard mécanique des rencontres. Même le statut du rêve érotique de Michel en devient une grotesque réaction de famine de son corps. Happé par cette même fatalité mécanique , (texte 5-viol dans le RER) la violence n'est que le résultat d'une simple mécanique possible; il n'y a pas moins trangression par l'usage de la violence et l'incongruité du lieu qu'une fureur contraignant un sujet désirant à n'être qu'un corps réduit à ses orifices.
Là où l'ardeur de l'érotisme est le fait du travail du désir dans le sujet désirant, la pornographie ne témoigne d'une certaine intensité qu'au titre d'une fureur mécanique des parties du corps. Il n'y a pas de sujet du désir, seulement un rapport mécanique entre des parties du corops qu'anime une fureur à composer et à se décomposer. La pornographie est un sport de combat.
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