Lectures philosophantes

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dimanche 16 novembre 2008

Synopsis du cours du 6/11/08 - l'érotisme grec 2/3: les figures d'Eros 1/2

Mosaïque orné d'Eros, Anonyme, entre 1er et 3ème siècle ap J.C., Musée Archéologique d'Ephèse

L'eros doux-amer

Eros apparaît, dans la littérature grecque en général, comme une force caractérisée par son épanchement, voire ses emportements . Il est autant associé à l'eau, au vin, au sommeil, au rêve et à l'inspiration qu'à l'ivresse, la divination ou la colère. Eros est symbole du renouveau de la vie et des épanchements du désir comme il peut être cet archer espiègle qui empoisonne de ses charmes les jeunes amoureux et les emporte dans les affres de la passion.
Ainsi de ce fragment où Eros est à la fois l'élan du poète vers l'objet de son désir et l'amertume naissant du rejet par une fière dignitaire de Lesbos. "Amour, aux cheveux d'or qui me jette la balle à la couleur de pourpre, m'appelle pour jouer ave la jeune fille aux beaux xouliers brodés. Mais elle, qui s'en vient de Lesbos la cité, a vu mes cheveux blancs. Cela ne lui dit rien. Elle regarde ailleurs, vers d'autres que les miens."Anacréon, frag. 358
Eros s'incarne donc dans cette figure du "doux-amer" (Sappho) tant il est source d'un élan comme blessure de ou par cet élan.
"Pour les jeunes gens, Cyrnos, jusqu'au moment où il es tcomblé,
amour est piquant et doux, il est ravissant et cruel.
Car, si tu le satisfais, c'est la douceur. Mais si, le poursuivant,
tu en l'atteins pas, c'est la peine la plus grande de toutes
."
Théognis, 1353 et sq.
Les traits poétiques d'Eros le figure donc comme cette intensité capable de porter le sujet désirant vers l'objet de ses désirs comme de l'emporter au-delà de lui-même.

Aussi convient-il de garder à l'esprit que les Grecs ne condamne guère le désir en tant que tel mais ses emportements. C'est par conscience de sa puissance et de son omniprésence qu'il cultive le sens de la mesure.



L'eros séducteur

Cette force ambivalente qu'est l'Eros s'incarne dans 3 figures classiques de la littérature grecque: l'Eros-lion, l'Eros-chasseur et l'Eros effeminé. Eros y est cette force sauvage, c'est-à-dire cette puissance qui anime et porte vers ailleurs comme cet excès qui emporte au-delà de soi-même.
L'Eros-lion, à travers la figure de Paris (cf. par exemple chp. III de l'Iliade d'Homère) ou celle d'Alcibiade (cf. La Vie d'Alcibiade de Plutarque) s'y présente comme ce fauve habité par un instinct qui fait sa force et sa fureur. Le désir y est une force qui nourrit le désir comme qui détruit le sujet désirant.
L'Eros-chasseur représente cette figure anti-sociale qui ne poursuit que son propre plaisir. Le désir y est transgression car il porte au-delà du conformisme social. Eros y est un archer toujours à l'affut. Mais l'arc, dans les joutes homériques, est une arme inadaptée au conbat des héros; aussi, Pâris est-il un héros inaccompli, amant habile auprès d'Hélène mais combattant peu glorieux tant le champ de bataille réclame le face-à-face et la force brute plutôt que la ruse et l'habilité. Il en va de même d'Alcibiade au bouclier d'or et d'ivoire, luxe inadapté à la brutalité guerrière mais miroir de sa puissance érotique.
L'Eros-efféminé incarne quant à lui les tendances sensuelles et égoïstes du séducteur. Il est semblable au chasseur en tant que l'élan érotique qui le porte le fait stratège capable de vaincre tous les obstacles. Aussi, le séducteur est-il toujours glorifié par son habilité tandis que sa proie est humiliée car elle s'est soumise au puissance du désir. (cf. les subtilités comiques des épanchements adultères dans les Thesmophories d'Aristophane v. 479-489). Alcibiade, par son culte de l'ambiguïté sexuelle et de la provocation, y figure l'amant languissant et inactif (un moichos ("pisseur") comme le décrit Aristophane dans les Acharniens, c'est-à-dire quelqu'un dont le membre est voué au seul écoulement du plaisir).

Ce faisant, eros est, dans l'érotique grecque, une figure multiple et équivoque. Le désir y est admiré pour sa force comme moquer pour ses dérives. Le désir y est une force qui transporte et qui, parfois, emporte.

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