Lectures philosophantes

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samedi 7 février 2009

Synopsis du cours du 29/01/09 - Digression: du masochisme au sacher-masochisme 1/2

Le masochisme est un terme malheureux: désignant couramment le plaisir pris dans la douleur, il ne désigne plus qu'une perversion. Par malchance, l'oeuvre de Sacher-Masoch est désormais enceint dans sa pathologie, rangée dans le registre des bizarreries érotiques que seuls quelques érotomanes érudits délivrent de sa camisole. Or, on est redevable à ce monument de la littérature érotique de s'être fait le clinicien d'une certaine expérience du désir, celle-là même qui pousse à ne trouver rien de plus enviable que d'être frappé par l'être aimé.

L'enfermement de Sacher-Masoch dans le registe de la perversion sexuelle revient à Kraft-Ebing, qui, parce qu'il ne peut penser la sexualité autrement sur sur fond d'une finalité naturelle, ne peut être sensible aux subtilités culturelles de l'érotisme de Masoch. Dès lors qu'on fait de la Nature la grande prêtresse de la sexualité, toute autre pratique qui lui échappe ne peut qu'être impie. Le masochisme devient alors une fantaisie étrange qui est le fait d'une vita sexualis anormale car relevant d'une diversion par rapport à l'ordre naturel. Toute récréation hors de la reproduction est interdite.
Kraft-Ebing distingue cependant entre un masochisme somatique (ou algolanie, c'est-à-dire le plaisir pris dans la douleur) et un masochisme idéal consistant en un désir de soumission à un autre. L'analyse du cas 44 de la Psychopatia Sexualis met par exemple en évidence certes le caractère contre-nature du masochisme (le coît est un acte inadéquat à l'imagination du masochiste) mais plus encore le rôle de l'imaginaire dans l'érotisme masochiste. La satisfaction masochiste est l'effet d'une comédie compliquée, d'une représentation fantasmatique qui parvient bon gré mal gré à la réalisation érotique.
Reprenant à son compte certaines remarques de Kraft-Ebing tout en abandonnant cette normalisation de la sexualité à l'aune de la nature, Théodore Reik met en évidence 3 caractéristiques essentielles de masochisme: 1/ la fantaisie comme source des penchants masochistes tant l'imagination joue le rôle de prélude à l'excitation; 2/ le suspens comme façon de ritualiser le plaisir en le mettant en attente et 3/ la démonstration, c'est-à-dire le goût pour les mises en scènes, comme construction imaginaire visant à retarder le plaisir.
Aussi, ne peut-on réduire le masochisme à n'être q'un détournement morbide de la plusion sexuelle, mais bien plus un révélateur de ce qu'est l'expérience du désir comme manque. Être masochiste, c'est éprouver du plaisir à mettre en travail son désir.

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