Lectures philosophantes

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mercredi 11 février 2009

Synopsis du cours du 5/02/09 - digression: du masochisme au sacher-masochisme 2/2

Il convient de distinguer entre le masochisme et sa psychopathologisation et ce que nous nommerons le sacher-masochisme comme expérience singulière du désir. On rendra ainsi plus justice à l'oeuvre de Sacher-Masoch qu'en l'enfermant dans les catégories de la psychiatrie.

La Vénus à la fourrure est un récit (celui de la soumission de Séverin à Wanda de Dunajew) dans un récit (celui du narrateur racontant un rêve de Vénus à la fourrure et voyant la représentation de cet Vénus lors d'une visite à son ami Séverin). Cette mise en abîme vise à mettre en avant la suprématie de l'imagination dans le sacher-masochisme, l'auteur présentant cette expérience érotique comme un supra-sensualisme (übersinnlich), c'est-à-dire une forme d'idéalisation du réel afin de laisser libre cours à l'imagination. La constuction du désir sacher-masochiste se fait sur fond d'une critique des faux-contrats du mariage chrétien qui ne font de l'engagement entre les époux qu'une promesse digne d'être trahie. A rebours de ce contrat de dupe, le contrat masochiste est vécu comme l'épreuve du désir qui assure à chacun la réciprocité des désirs. Ainsi de l'exemple de contrat entre Fanny et Sacher-Mascoh qui assure la sincérité de l'engagement, le choix libre de commander et d'être commandé, la possession de l'autre par la domination. Le contrat masochiste se définit ainsi comme l'accord des volontés, la réciprocité du désir, la limitation dans la durée, la réserve d'une part d'inaliénable, mais reste toujours sous-jacent la loi masochiste elle-même en tant qu'il est toujours possible d'outrepasser les limites du contrat. La soumission est certes l'objet du contrat mais la possession pleine et entière de l'autre en est le principe. On ne sera donc pas dupe du théâtre masochiste car les fouets et les fourrures dissimulent la nature même du contrat sacher-masochiste.

On peut se demander ce que les amants attendent d'un tel contrat? Loin de prendre plaisir à la douleur infligée par l'aimé, le contrat sacher-masochiste aspire à se soumettre l'un à l'autre pour exclure un quelconque tiers. C'est afin de s'assurer la réciprocité des désirs que l'un acccepte de se soumettre à l'autre qui accepte de posséder le premier. Être l'objet de l'autre, c'est s'assurer que l'autre est bien ce sujet qui me désire.

Le désir, comme manque, est par nature masochiste car il veut posséder l'autre en étant posséder par lui. Si le désir de l'autre est ce qui me fait vivre, exister plus intensément, alors le sujet désirant est toujours en manque de l'autre car seul l'autre me fait être. Aussi, le sacher-masochisme est une façon de s'assurer la pérénnité du désir de l'autre en tant qu'être son esclave, c'est être sûr qu'il sera mon maître.
Par le masochisme, le désir s'assure d'être à travers l'autre dans un théâtre érotique où rien ne doit manquer. Mais ne pas faire l'épreuve du manque, c'est-à-dire risquer de perdre ce que l'autre qui nous désire, fait de nous, n'est-ce pas manquer aussi une part du jeu libre des désirs? Autrement dit, l'assurance de la réciprocité qu'acquiert le sacher-masochisme, n'est-ce pas l'échec de cette réciprocité en tant que celle-ci n'est pleine et entière que si chacun court toujours et tout le temps le risque de perdre l'autre?

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