L'acédie fait de l'expérience du désir une expérience dé-subjectivante. Comme langueur, elle découle de la poursuite redondante des plaisirs où demeure inconnu la nature du désir lui-même: désirer n'est alors plus que jouir de ce qui est à sa portée (double registre du proche et du propre). Mais comme vertu réflexive, l'acédie est l'entreprise d'une re-subjectivation, c'est-à-dire la conquête de soi par la dépossession de soi: désirer, c'est quitter le petit quant à soi de ses plaisirs pour laisser enfin le désir nous porter ailleurs, c'est reconquérir en soi cette part d'inconnu qui nous fait devenir autre . L'acédie est donc cet instrument de décentrement dans l'expérience du désir qui fai de celle-ci la découverte singulière de vers où nous porte notre désir.
Ainsi du Volupté de Sainte-Beuve, confession d'un adultérin "sur un point si chatouilleux de l'âme." Amaury s'ennuie au fil des pages, perdant goût à l'étude et plongeant peu à peu dans les voluptés de l'acédie comme un anachorète. La perte progressive de l'intérêt qu'il porte à l'amour pour la marquise de Couaen le pousse à la conquête tortueuse de Mme R***; mais même ses élans sadiques ne suffisent à raviver un désir aride. Multipliant au fil des rencontres les expériences avec des prostitués dans "une allégresse toute sarcastique", Amaury fait l'expérience d'une jouissance sans assouvissement.
Le chapitre XX du Volupté décrit alors les différentes attaques que subit Amaury constamment distrait par son morne ennui (jeux innocents, promenandes rêveuses, courses prétextes à la bonté ou à l'aumône) pour finalement subir l'ultime assaut mettant à bas sa volonté. Il aura manqué à Amaury de faire l'expérience de son désir: enfermé dans la seule résonnance de ses voluptés, il en perd la saisie troublante de ce qui le porte et le transporte.
Ainsi du A rebours de Huysmans, aventure de l'aménagement d'une chambre à coucher en cellule monastique. S'articulant autour du chapitre 6, il est le récit d'une anachorèse ratée. Se voulant dandy tapissier retiré du monde et grand célibataire détourné de Dieu, Des Esseintes est peu à peu en prise avec le démon de midi qui ronge progressivement sa volonté le plongeant dans une langueur autant spirituelle (incapacité à la lecture, à la contemplation de ses Goya ou Rembrandt, à la poursuite d'une idée dans le "grouillement de sa cervelle"...) que physique (malaise du corps, passion érotique pour Miss Urania, fantasmes autour de la prostituée ventriloque...). Ainsi de la nourriture, sollicitation quotidienne qui rappelle ce solitaire au monde tant le frivolité de ses désirs factices ne peuvent oublier l'urgence d'un besoin vital. Cf. l'épisode de la tartine, chp. 13 du A Rebours. Le désir ne peut être sans objet au risque de n'être plus que le plaisir pervers de son propre désir, perdant par là même le moteur essentiel du désir.
A rebours est dès lors un récit à l'envers. Il montre la conquête ratée de son propre désir en lui-même et par lui-même, car retiré du monde, le désir sans but ne peut trouver son mouvement que d'une perversion des moyens de jouir de soi-même.
Désirer est alors se faire désirant, c'est-à-dire de "traîner les choses en longueur". C'est la puissance propre au sujet désirant à ne pas céder trop vite à son bon plaisir pour en garder toute la verve. Est-ce dire alors que désirer n'est pas jouir sans entraves, mais cultiver la difficulté pour mieux s'exciter?
Ainsi du Volupté de Sainte-Beuve, confession d'un adultérin "sur un point si chatouilleux de l'âme." Amaury s'ennuie au fil des pages, perdant goût à l'étude et plongeant peu à peu dans les voluptés de l'acédie comme un anachorète. La perte progressive de l'intérêt qu'il porte à l'amour pour la marquise de Couaen le pousse à la conquête tortueuse de Mme R***; mais même ses élans sadiques ne suffisent à raviver un désir aride. Multipliant au fil des rencontres les expériences avec des prostitués dans "une allégresse toute sarcastique", Amaury fait l'expérience d'une jouissance sans assouvissement.
Le chapitre XX du Volupté décrit alors les différentes attaques que subit Amaury constamment distrait par son morne ennui (jeux innocents, promenandes rêveuses, courses prétextes à la bonté ou à l'aumône) pour finalement subir l'ultime assaut mettant à bas sa volonté. Il aura manqué à Amaury de faire l'expérience de son désir: enfermé dans la seule résonnance de ses voluptés, il en perd la saisie troublante de ce qui le porte et le transporte.
Ainsi du A rebours de Huysmans, aventure de l'aménagement d'une chambre à coucher en cellule monastique. S'articulant autour du chapitre 6, il est le récit d'une anachorèse ratée. Se voulant dandy tapissier retiré du monde et grand célibataire détourné de Dieu, Des Esseintes est peu à peu en prise avec le démon de midi qui ronge progressivement sa volonté le plongeant dans une langueur autant spirituelle (incapacité à la lecture, à la contemplation de ses Goya ou Rembrandt, à la poursuite d'une idée dans le "grouillement de sa cervelle"...) que physique (malaise du corps, passion érotique pour Miss Urania, fantasmes autour de la prostituée ventriloque...). Ainsi de la nourriture, sollicitation quotidienne qui rappelle ce solitaire au monde tant le frivolité de ses désirs factices ne peuvent oublier l'urgence d'un besoin vital. Cf. l'épisode de la tartine, chp. 13 du A Rebours. Le désir ne peut être sans objet au risque de n'être plus que le plaisir pervers de son propre désir, perdant par là même le moteur essentiel du désir.
A rebours est dès lors un récit à l'envers. Il montre la conquête ratée de son propre désir en lui-même et par lui-même, car retiré du monde, le désir sans but ne peut trouver son mouvement que d'une perversion des moyens de jouir de soi-même.
Désirer est alors se faire désirant, c'est-à-dire de "traîner les choses en longueur". C'est la puissance propre au sujet désirant à ne pas céder trop vite à son bon plaisir pour en garder toute la verve. Est-ce dire alors que désirer n'est pas jouir sans entraves, mais cultiver la difficulté pour mieux s'exciter?
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